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HELGA NATZ

SACRA CONVERSAZIONE

Exposition 20 septembre - 27 octobre 2018

Vernissage jeudi 20 septembre de 18h à 20h

(Cliquer pour faire défiler les images)

Dialogue entre les époques

La galerie parisienne Arnaud Lefebvre présente les œuvres d’Helga Natz dans une exposition monographique thématique.

Depuis sa première visite au monastère de San Marco à Florence au début des années 1980, le moine médiéval Fra Angelico a influencé le travail de l'artiste allemande Helga Natz durant ces trente dernières années. Bien que plus de 500 ans les séparent, toutes les pièces présentées lors de cette mini-rétrospective ont un lien direct avec les œuvres du moine florentin. Le nom « Sacra Conversazione » fait référence à deux éléments. C’est d'abord un terme technique de l’Histoire de l'Art — c’est-à-dire la Vierge Marie et l’enfant Jésus accompagnés d'un groupe de saints — qui s’est développé au XVe siècle. Fra Angelico fut l’un des artistes qui ont « inventé » ce genre d’images.

Au sens figuré, le titre « Sacra Conversazione » montre le lien personnel qu'Helga Natz tisse avec l’artiste Fra Angelico, le dialogue qui se déroule pendant la contemplation de ses chefs d’œuvre.

Natz a étudié la peinture à Münster et à Düsseldorf mais impressionnée par les fresques de San Marco, elle a créé l'une de ses premières sculptures posées au sol en 1989, N° 31. Elle s'est, par la suite, presqu'exclusivement consacrée à la sculpture. N° 31 ne reflète pas un détail spécifique d'un tableau de San Marco, mais sa structure à deux côtés fait écho à la perception de l'artiste face aux fresques. Comme des mains en prière, les deux corps en plâtre reflètent le don spirituel de San Marco.

La taille, le matériau, la couleur et la composition de chaque pièce ne sont pas choisis au hasard. Par exemple, le léger écart entre les deux parties de N° 31 crée une tension et une cohésion au sein de l'œuvre.

C’est souvent la couleur qui relie les œuvres d’Helga Natz à celles de Fra Angelico. Le bleu était le pigment le plus précieux, fait à partir de pierres concassées. Difficile à produire, il était utilisé pour mettre en évidence des scènes ou des personnages importants. Le bleu outremer était fabriqué à partir de lapislazuli. Il a longtemps été appelé « Bleu Fra Angelico ». Cette exposition présente deux sculptures qui reflètent l’expressivité de la couleur dans l'œuvre de Fra Angelico.

Les deux moitiés de la N° 224 se font face comme un ciel nocturne et une surface d'eau. La disposition sur le mur et le sol renforce cette impression. Le bleu profond de la partie supérieure contraste avec le turquoise du sol. Ce contraste est augmenté par les différents matériaux qui les composent, l’un mat, l’autre réfléchissant.

La N° 232 est la seconde pièce liée au bleu. L'étagère en bois maintient le verre bleu. Cette structure fragile supporte un cube de marbre blanc dont le grain gris ressemble à un ciel nuageux. La préciosité du bleu profond est rehaussée par la beauté de la matière du marbre.La surface du cube a été polie à la main, elle n'a donc pas de coins tranchants mais elle est agréable au toucher. Sa hauteur fait référence au corps humain, ce qui permet au spectateur de s'en sentir proche. Le cube de marbre doit arriver approximativement au niveau de la poitrine.

En regardant les œuvres de Fra Angelico, Helga Natz est souvent inspirée par certains détails. Ceux-ci sont dessinés dans ses carnets de croquis. L'un d’eux est montré ici. Parfois, ils donnent l’impulsion pour une autre sculpture, transposés sous de nouvelles formes.

L'image de la nonne de la predelle du Triptyque de Saint-Pierre-Matyr, aujourd'hui dans les galeries de l'Institut Courtauld à Londres, forme la base de N ° 225.
C'est la seule sculpture dont le gabarit est directement inspiré d'une forme de Fra Angelico. Avec sa feuille de cuivre courbée remplie de cire et oxydée en une couleur noir-vert, c'est une version abstraite du vêtement de nonne. La forme fermée sur elle-même de la pièce invite l'oeil à se concentrer sur les lignes colorées de la cire et sur l'éclat de l'aiguille en cuivre. N° 225 recrée le symbolisme du costume, reflétant l'intériorité religieuse sous une forme abstraite.

Comme Helga Natz a une vision très précise en ce qui concerne les matériaux et les couleurs, elle doit parfois expérimenter différents ingrédients, même les plus inhabituels. Ce sont des lentilles rouges moulues qui ont été utilisées entre les feuilles de cuivre de la sculpture N° 231. Il s’agit d’une variante de pièces plus anciennes où elle avait combiné de grandes feuilles d’acier avec du sable. Les arrêtes vives du métal contrastent avec le paysage lisse de la farine de lentilles dont la couleur saumon et rosée correspond au rouge des plaques de cuivre. Les bases de ce travail sont les robes de Marie et de l’Ange dans l’Annonciation de Fra Angelico au Musée du Prado à Madrid. Le jeu d'ombre et de lumière renforce l’effet saisissant avec lequel N° 231 dépeint la brillance des vêtements des personnages.

Helga Natz n'a jamais cherché la proximité d'un quelconque mouvement artistique. Dans son esprit, la couleur, le matériau et la composition s’imposent dans le processus créatif. Son amour pour la nature comme origine de la matière est omniprésent. Son unité avec l’art de Fra Angelico repose sur deux piliers: l’un est son amour pour l’esprit, qui parle dans l’œuvre de Fra Angelico, l’autre est sa fascination pour l'œuvre en cours d'achèvement et son affinité avec chaque matière selon son caractère physique singulier.

 

Sarah Möller


—Après des études d’histoire de l’art et de littérature allemande à Münster et Bonn, puis de critique d’art et de curatoriat à Bochum, Sarah Möller travaille comme critique d’art et journaliste freelance (Frankfurter Allgemeine Zeitung, Financial Times, Rhein-Zeitung, https://www.kunst-am-mittelrhein.de).



Le travail de Fra Angelico a une influence indirecte sur mon travail depuis que j'ai visité le couvent San Marco à Florence, au début des années 1980.

Ma promenade à travers les cellules du monastère avec leurs peintures murales incroyables a été pour moi une expérience marquante. La matérialité fraîche et crayeuse des fresques peintes sur les enduits à la chaux fut le catalyseur pour mes pièces murales de plâtre peint et coloré suivies par les premières sculptures du même matériau.
Tout au long de cette période, le travail de Fra Angelico est resté une source d'inspiration pour moi jusqu'à aujourd’hui.

D’où peut bien venir mon enthousiasme pour un peintre né autour des années 1390-1395 et mort en 1455, et dont la vocation religieuse jouait un rôle clé dans le travail, si ce n'est le sentiment du sacré ? Outre mon intérêt pour la matérialité des fresques, il s’agit du rayonnement émanant de ses œuvres au-delà de ce qui est représenté.

Pour commencer à nommer cet effet du travail de Fra Angelico sur moi, il faudrait une expressivité poétique que je n'ai pas. La clarté, la pureté, la véracité sont les concepts qui me viennent à l'esprit avant tout.

Comment la moindre relation peut-elle être établie entre les peintures d’évangiles et de mystères de Fra Angelico et mes simples pièces « matérielles » ? Je ne cherche pas à transmettre une idée de l’absolu, mais mes œuvres sont le produit direct de mon horizon d’expérience.

Peut-être y a-t-il a une racine commune, une considération attentive et intense du « sujet » (chez Fra Angelico, une histoire biblique, chez moi, par exemple, ses fresques) et de sa réception, du processus de s’en pénétrer et de le laisser agir.

Dans cette exposition, j'ai rassemblé quelques sculptures qui, d'une manière ou d'une autre, ont un rapport avec l'impression profonde exercée par Fra Angelico sur moi.


Helga Natz, juin 2018

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livret d’exposition « Helga Natz Sacra Conversazione », Galerie Arnaud Lefebvre, 2018
texte de Helga Natz, Sarah Möller, Arnaud Lefebvre, eng. all., 18 pages, ill.

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